Chevaucher un Kraken en temps de crise ou les bénéfices de l’intelligence partagée.

Le Kraken est une créature fantastique redoutée par les capitaines de navires : un monstre géant, capable avec ces énormes tentacules, de renverser un bateau, sa cargaison et son équipage pour le faire couler vingt mille lieues sous les mers.

Pourtant si l’on en croit les effroyables récits de ce mythe, le Kraken est une pieuvre géante. Et de façon factuelle, un octopode, quelle que soit la taille de son corps, c’est huit bras, trois coeurs et neuf cerveaux : leurs tentacules possèdent des cerveaux périphériques. Donc un animal avec une organisation plutôt efficace, une intelligence distribuée, dont de nombreux capitaines pourraient s’inspirer, quelle que soit la taille de son navire.

Un artisan compte sur l’intelligence de ses mains pour compléter celle de sa tête, pour produire des choses à la fois sensibles et utiles, produisant du bon sens.

À une autre échelle, quand on gouverne un navire grand comme un pays, à cette échelle, la tête est dans les nuages et devrait laisser ses multiples tentacules gérer les reliefs et les courants locaux pour avancer, ce serait du bon sens.

Malheureusement des capitaines, quelle que soit la taille de leur navire, n’écoutent ni leurs trois cœurs ni leurs cerveaux périphériques. Les différents organes de leurs corps, comme autant de tentacules, finissent par faire des choses opposées ou déjà effectuées, de s’entremêler ou de s’isoler. Bref, c’est la mort à plus ou moins longue échéance, l’organisme tout entier s’échouant d’épuisement, d’égarement. Les tempêtes comme les crises, ne font que révéler plus encore la schizophrénie d’autorité et d’exécution d’une nation comme d’une entreprise. 

La tête d’un poulpe, comme celui d’un gouvernement ou d’une entreprise, pourrait être la plus éclairée, elle n’est qu’une baudruche brillante sans les intelligences périphériques des régions de son corps.

Oyez braves capitaines, plutôt que de chasser à coup de centralisation, de bureaucratie le virus de vos peurs, sachez traquer le Kraken dans vos organisations avant qu’elles ne craquent. Non plus pour le vaincre, mais bien au contraire, pour lui faire pousser mille tentacules et rendre à votre navire le choix de milles vies dans lesquelles naviguer.