Ailes de papillon, écailles de pangolin et permaculture pour le jour d’après ?
Dans le classement des grandes catastrophes naturelles, les ailes du papillon ont été battues à plate couture par les écailles du pangolin. Une des plus profondes crises de notre société connectée aurait commencé par la dégustation d’un pangolin, affectant notre quotidien dans toutes ses dimensions et détournant nos vies, comme une crue fait déborder la rivière de son lit, rendant imprévisible sa course folle et son futur cours.
Le confinement est une leçon au fer rouge : chacun de nos actes individuels a des conséquences tragiques en cascade, à l’échelle de la société. Nous nous découvrons papillon et pangolin à la fois : l’effet de levier s’applique à notre quotidien et l’isolement est la réponse pour briser ces ailes et ces écailles.
La façon dont chaque gouvernement conjugue son confinement révèle au grand jour leurs arbitrages passés et présents entre agir et prévoir. Les réseaux sociaux saturent, en se substituant à la distanciation sociale, en se faisant l’écho de cette bataille, incarnant les mêmes archétypes à l’échelle des personnes : ceux dont l’injonction est d’agir maintenant et penser demain quand nous aurons survécu et ceux dont toute crise est le bon moment pour penser dès aujourd’hui pour mieux agir demain, comptant sur la résilience du nombre pour survivre.
Dans notre quête d’équilibre, nous l’avons pourtant déjà pratiqué puis théorisé dans la permaculture, entre autre. Biomimétisme d’un écosystème naturel ? Bref, nous avons copié la nature. Ce n’est pas tant les pommiers, les insectes, les herbes sauvages, les parcelles et les talus qui sont mis en oeuvre, que les liens de symbiose entre tous ces acteurs. Si la permaculture était une philosophie, elle nous apprendrait à cultiver l’équilibre du vivant et des choses, à orchestrer un calendrier partagé pour le rythme de tous, et à être économe et frugal comme conséquence.
Si les organisations, qu’elles soient entreprises ou institutions, adoptaient cette économie circulaire, elles ne fabriqueraient plus seulement des produits et des services pour leur profit et leur croissance, mais elles produiraient aussi des liens entre tous, participant à un équilibre global pour accorder ensemble le vivant et les choses, au lieu de les opposer.
Ce temps de confinement, malgré son contexte dramatique, nous projette dans une société où le travail n’est plus la pierre angulaire de nos vies. Être confiné devient notre levier d’action. On se met à jour pour demain : reprise en main de son activité physique, tellement délaissée en temps normal ; acquisition de compétences et de savoirs, quand nous sommes en apnée le reste du temps et nos maisons aussi qui, plus que jamais, deviennent les camps de base de nos vies… les ventes en ligne, les savoirs gratuits et les applications pour nous transformer explosent pour satisfaire cette soif d’être prêt pour Après, sous le signe de la solidarité héroïque.
Mais pour nous préparer à demain, nous ne devrions pas oublier la sagesse de la permaculture. Et réapprendre à cultiver les liens, à produire des équilibres. Ces liens pour nous permettre d’être astucieux dès aujourd’hui, comme ceux qui voient les transformations possibles entre masque de plongée et masque à oxygène, entre aspirateurs et respirateurs ; Ces liens qui nous permettront d’être éveillés demain et construire les équilibres entre éducation et citoyenneté, sens et profit et dans tous les écosystèmes.
La question n’est plus de savoir si nous devons nous équiper d’ailes de papillons et d’écailles de pangolin, la crise nous montre que nous sommes déjà bien pourvus de leviers puissants, individuellement et collectivement. Le défi est de bien les utiliser, pour en finir avec notre fascination d’apprenti sorcier, pour enfin agir et être utilisé au sein de la société avec conscience et frugalité.