Mon retour d’expérience de la Gravel Tro Breizh 2020 en 6 onomatopées, pour s’en souvenir plus facilement lors de la prochaine !

12/10/2020

Clic, clac, clic, clac…

Depuis quelques kilomètres, mon pédalier de vélo fait des clics et des clacs, qui parfois s’atténuent comme pour mieux me faire profiter du vent qui souffle dans les arbres maintenant qu’Alex se rapproche, mais qui souvent se renforce dans les rudes raidillons et là où le vent s’arrête, comme pour mieux rappeler à ma peine. Si je n’avais pas la pluie et ses milliers de gouttes qui s’annonçaient, cela aurait été mon supplice de la goutte d’eau rien qu’à moi.

Un cycliste est attentif au moindre bruit suspect de sa monture et ce clic-clac lancinant est comme le métronome de ma randonnée bretonne. Mon vélo est la pointe-de-diamant de cette galette bretonne, chaque vallon, chaque relief, chaque boucle sont comme des refrains, des rythmes et mélodies d’un disque géant que je parcours au ralenti. Et comme toute chanson, une logique s’y dégage, dans l’alternance des chemins, des routes et des sentiers caillouteux. Alors quand un passage musical de vous ne plait pas, parce qu’il est trop ardu ou trop doux, vous savez que ce n’est qu’un refrain dans la partition globale et vous l’appréciez alors quand même.

Roon pchiiii, ron pchiiii….

Bien sûr, il faut s’entraîner à rouler, rouler et encore rouler. 100 km pour l’échauffement, 200 km pour faire le tour d’un cadran, maîtriser aussi les équivalences, car 100 de route, n’est pas 100 de sentier et 100 de chemins blancs n’est pas 100 de vallons. Alors on s’entraine un jour, un mois, une année pour en faire un mode de vie, à jongler entre chemin, route et sentiers.

Mais on oublie aussi de s’entrainer à dormir, car après tout, on s’y entraine tous les jours depuis sa naissance ! Grave erreur, il faut s’entraîner à dormir, durement. Dehors, dedans, humide, ronflant, seul, tardivement. Le sommeil à ses équivalences aussi : 4 heures en gîte, 4 heures en bivouac, 4 heures à cogiter n’ont pas le même repos, c’est évident, derrière son écran… Surtout quand un camarade de bivouac vous ronfle sciemment entre minuit et 3 heures du matin pour essayer de vous bercer. Empruntez un ami victime d’apnée du sommeil dans vos entrainements nocturne aussi. A défaut, enregistrez ses performances pour vous entraîner, soit à dormir avec, soit à le réveiller à coup de coude solidaire pour vos nuits blanches.

Glou, glou, glou….

Si les cimetières sont devenus les cafés des cyclistes dans nos randonnées, pour remplir nos gourdes et dégourdir nos jambes aussi, n’oublions pas, pour ceux qui ne transportent pas leur cuisine, les boulangeries et les petites épiceries aussi, qui sont vaillamment ouvertes les jours habituellement chômés, pour se ravitailler.

Les samedis après-midi, les dimanches et souvent les lundis, les villages sont comme leurs cimetières : tout est dans la boîte ! pas âme qui vive, pas de commerce pour les vivants ! Mais vous avez de la marge pour rouler, pour marcher et ce n’est pas votre estomac qui va rétrécir, mais d’abord votre horizon. Votre cerveau est malin : il ne vous coupe pas les jambes de suite, il vous fait voir tout en noir, gardant secrètement de l’énergie pour pouvoir vous faire rentrer à la maison, au chaud. Et il vous assaille à coup de « mais qu’est-ce que tu fais là ! » Rouler à vélo, ce n’est pas seulement être en équilibre sur deux roues, c’est aussi être en équilibre entre le poids de l’assurance d’avoir a manger avec soi et la légèreté d’être confiant sur les prochaines possibilités de ravitaillement hypothétiques.

Ho hisse, ho hisse, ho hisse !

Parfois il faudra pousser, tirer ou porter votre vélo. Chargé. Pour un raidillon, pour une grosse roche, pour un guet, pour un arbre tombé là, par manque de lucidité parfois, ou par manque de technique. Et souvent un mélange de tout cela. Si les cyclistes aujourd’hui, en grande compétition sont à la recherche de « gains marginaux », il y a de la place pour plus de fluidité, pour des gains obèses pour nous autres !

Ce n’est pas un chemin qui se transforme qui s’aplanit comme par magie, c’est notre plasticité physique et technique qui vous fait gagner du temps et de l’énergie. N’oublions pas que nous avons un corps et un esprit paresseux, donc à la recherche de l’efficacité. Plus de technique et les cailloux deviennent plus petits, leur arrêtes s’arrondissent. Plus de souffle et la pente devient moins raide. Plus de force et la fatigue devient plus lucide. Plus léger et votre vélo devient plus habile. Bah, il ne s’agit pas de devenir plus fort, plus endurant et plus technique et plus léger, il s’agit juste de devenir plus paresseux, avec un cours d’art plastique permanent pour nos corps et nos esprits et les paysages deviendront que plus beau, même sous la pluie, la boue, le vent, la solitude, l’Ankou la nuit. Super plastique on a dit…

Vroum, vroum, vroum…

Bon, effectivement, la pluie depuis quelques heures à dilué l’élasticité de mon corps… ou plus prosaïquement, pourquoi partir en Bretagne sans pantalon de pluie ? Mes chaussures sont des petites piscines personnelles pour mes doigts de pieds. Je suis à l’abri sous un abribus et je cogite. Les prochains jours vont être pareils et pire avec la venue d’Alex la tempête. J’ai les doigts des mains fripés aussi, comme par solidarité avec mes doigts de pieds.

Je décide de rentrer prendre le train, rappelez-vous, une élasticité mit à mal par la pluie et le vent et un cerveau embrumé par une nuit blanche dû à mon ronfleur personnel. Sur la carte, la nouvelle trace est belle : une ligne droite vers Quimper, des trains disponibles. Je n’ai que 50 km à faire. Mais bien sûr, qui dit ligne droite, dit départementale, voitures, utilitaires et poids lourds. 50 nuances de rases fesses sous la pluie et le vent de face, toutes les nuances de projections d’eau et de vent de face, bien sûr. Retour à la civilisation un peu brutal. C’est droit sur la carte, c’est vallonné sous les roues. Ma galette bretonne déraille complètement, la pluie fait pousser les raidillons plus haut.

Tchou, tchou, tchou…

Je suis dans le train. Seul mon masque est sec, mais je suis content malgré tout de cette petite aventure. 600 km avec les détours, c’est moins que 1200 et c’est plus que 0. Verre à moitié plein ou à moitié vide ? La pluie qui essaie de s’insinuer dans le train me dit à moitié plein ! Après tout, quand on pratique les arts plastiques, c’est pour la vie !

Gravel tro breizh

Anuhi Lou