Les isthmes de nos idées

Il est plus facile de faire tout un monde, toute une nation, toute une culture avec toutes les forces vives d’un pays. Et si les pays peuvent mettre du temps à se former, on peut accélérer l’histoire en regroupant plusieurs îles. En les liant avec des isthmes, des bandes de terres pour faciliter les échanges et rassembler tous les esprits sous une même bannière, sous un même imaginaire.

Avec l’avènement de la société connectée, la définition même d’une nation change. Il existe maintenant des réseaux qui sont comme des pays virtuels, avec des citoyens bien réels et qui partagent la même culture numérique, même distants de corps de milliers de kilomètres.

Une nouvelle citoyenneté numérique, encore informelle - peut-être futile, peut-être faite de ragots, de violence, de dénonciation et d’apparat, mais n’est-ce pas ainsi que nous avons tous commencé notre Histoire ?

Derrière les « like », partages sociaux et influence, ce sont des isthmes qui se forgent par nos « gossip », connectant les signaux faibles et les rumeurs en immenses continents. Consumérisme, fireisme, bulshitisme, wokisme, metooisme, cancelisme et autre ultracrepidarianisme avec le pouvoir d’ -/isme/, les idées deviennent des modes de vie et les histoires deviennent nos vies.

Nous n’en sommes qu’aux prémisses des réécritures de nos quotidiens et déjà des métavers creusent leurs sillons dans les corps moribonds de nos institutions, sapant les fondations des nations historiques.

Alors même que nous éduquons nos enfants pour s’occuper de ces cadavres ambulants, si nous n’agissons pas autrement, nous les laisserons vulnérables aux chants des -/ismes/, sans qu’ils sachent distinguer Charybde de Scylla, pour naviguer de leur propre chef.